Papa, il faut que tu saches…

Article : Papa, il faut que tu saches…
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21 juin 2020

Papa, il faut que tu saches…

Je ne t’ai jamais dit « bonne fête papa » à la fête des pères. Enfin, je ne me rappelle pas te l’avoir déjà dit. En comptant les années, je me rends compte que ça fait trop longtemps que tu es parti. Mais dans mon esprit, ce vendredi où tu m’as promis de revenir lundi n’est pas si loin. La petite fille naïve en moi continue de t’attendre. Même si ça fait 15 ans que j’attends.

J’attends encore que tu rentres..

J’attends que tu rentres vêtu de ton agbada blanc, tu sais le même que tu avais la dernière fois qu’on s’est vus. Je rêve toujours d’entendre maman me dire « ton père est là ». Je m’imagine toujours dans tes bras, te faire ce câlin pour te dire « bonne arrivée », sentir ton odeur. Tu sentais toujours bon. Mais je t’avoue que la senteur que j’appréciais le plus était celle du paquet rempli de chocolats que tu ramenais à chaque fois. Tu n’étais pas souvent là mais tu aurais dû. C’était comme si tu cherchais à  m’habituer à ton absence.

My memory serves me far too well....
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Je ne t’en veux pas d’avoir été un homme trop occupé 

Tu n’as été présent que pendant les 7 premières années de ma vie. Je me suis toujours demandée si c’est moi qui n’ai pas su profiter de toi ou si c’est toi qui as été trop absent. Si à ma naissance, j’avais eu conscience du fait que je n’avais que 7 ans pour profiter de mon père, j’aurais chéri ces années, j’aurais fait en sorte qu’elles soient le best of de ma vie.  Malheureusement je n’étais qu’une gamine, je ne me rendais compte de rien, je ne se savais que dalle ! Jusqu’à ce dimanche matin où revenue de l’Eglise, j’ai vu maman à la maison les yeux rouges et larmoyants avec tous ces gens autour d’elle.

Personne n’a osé me dire que tu étais mort mais je savais que tu ne reviendrais plus. Ni le lundi comme tu me l’avais promis, ni jamais. Ce vendredi, tu étais juste venu me dire adieu. Tu étais seulement venu pour que je te serre dans mes bras une dernière fois, pour que j’hume ton parfum, que je sente la douce odeur des paquets de chocolats, pour me laisser un dernier souvenir.

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Quand j’ai su que tu étais mort, je n’ai pas pleuré

Je n’ai pas crié, je n’ai pas gémis. Je n’ai rien fait, je n’ai pas dit un seul mot. Le drame m’a fait perdre la langue. Je n’avais plus rien à dire. Je ne ressentais aucune émotion. Dans ma tête, c’était le vide, j’étais plongé dans le néant. J’avais seulement l’impression que quelque chose avait changé. Comme si quelque chose en moi s’était envolé. Mais je n’arrivais pas à identifier ce que c’était.  Je n’étais plus cette petite fille heureuse, naïve, qui ne manquait de rien et qui avait ses deux parents, même si l’un était plus présent que l’autre. J’étais devenue l’orpheline. Ta mort a marqué la fin d’une époque et le début d’une nouvelle ère dans ma vie.

Maman a beaucoup souffert après ton départ. Elle ne s’y attendait pas et c’était un choc pour elle. Après ta mort j’ai découvert une version de maman que je ne connaissais pas. Elle s’est retrouvée seule face à l’éducation de mes frères et moi. Dieu sait qu’on n’a pas été des enfants faciles. Elle a dû serrer la ceinture, oublié le luxe auquel tu l’avais habituée pour devenir mère-père pour ses enfants. Elle a vite retiré le voile noire de la veuve pour se vêtir d’un rouge courageux afin qu’on ne manque de rien.

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Je n’ai jamais osé dire à maman que tu me manquais

Je ne lui ai jamais dit que j’aurais tellement voulu que tu sois toujours là. Non, je n’avais pas le droit de lui dire ça. Elle faisait déjà trop d’efforts pour que je ne me sente pas comme une orpheline. On ne parle pas souvent de toi, tu sais. Mais les rares fois où elle abordait ton sujet, je priais au fond de moi pour qu’elle ne s’arrête pas si vite. Je voulais qu’elle m’en dise plus sur toi. Elle m’a racontée récemment comment vous vous étiez rencontrés et ça m’a fait sourire. Il y a tant de choses que j’aurais aimé savoir sur toi, sur vous deux. Mais je me suis interdite de poser les questions.

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Dans ma tête je refais souvent tout avec des si

Je tente d’imaginer plusieurs scénarios, comment ma vie se serait déroulée si tu n’étais pas parti trop tôt. Tout se passe plutôt bien mais la réalité me rattrape souvent. Je pense souvent à toi et je me rends compte que tu vis dans mon cœur, que la mort ne peut pas arrêter l’amour et qu’elle ne pourra jamais faire disparaître les souvenirs qu’on a de tous ceux qu’elle nous a brusquement arrachés. Aujourd’hui c’est la fête des pères et comme chaque année pour me consoler je vais dire aux gens que c’est juste une fête mondaine. Mais je vais quand même me recroqueviller dans mon coin comme d’habitude pour écouter Papa de La Fouine en pensant à toi. Mon cœur tourné vers toi, je vais répéter les paroles que je connais par cœur :

« Et si je garde en moi toutes les blessures du passé

C’est pour me rappeler tout ce que tu as fait pour moi

Dans mon jardin secret les mauvaises fleurs ont toutes fané

Le temps va, tout s’en va, pas l’amour que j’ai pour toi, Papa…

Papa, juste un mot j’irai là-bas

Là-bas, pour toi

Papa, le temps va, tout s’en va, pas l’amour que j’ai pour toi »


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Commentaires

Alix Boya
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Ces paroles sont tellement profondes qu’ils imbibes mes yeux de larmes et me laissent sans voix ?

Eliane Nahum
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Contente que mes écrits fassent un tel effet ;)