J’ai (enfin) lu L’hibiscus Pourpre de Chimamanda Ngozi Adichie

Article : J’ai (enfin) lu L’hibiscus Pourpre de Chimamanda Ngozi Adichie
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2 juin 2020

J’ai (enfin) lu L’hibiscus Pourpre de Chimamanda Ngozi Adichie

J’ai lu dans les pensées du libraire. Il voulait que je sorte de la bibliothèque. Cela faisant quand même plus de 30 minutes que je déambulais dans les rayons. Et je n’avais toujours rien choisi. Son regard a croisé le mien pour la énième fois, j’ai pris le premier roman que ma main a pu saisir. C’était l’hibiscus pourpre.

Entre les lignes du premier roman de Chimamanda Adichie

La première chose que j’ai faite quand j’ai eu ce bouquin entre les mains, c’était de sentir son odeur. Vous avez raison de penser que c’est louche mais les livres sentent super bons.

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Via Giphy

Dans l’hibiscus pourpre, l’auteure a placé Kambili au cœur de l’histoire. Âgée de 15 ans, la narratrice nous plonge dans son univers. On y découvre son père, un homme généreux, incorruptible, mais surtout catholique extrémiste et violent. Il essaye de façonner ses deux enfants Kambili et Jaja à son image. La mère n’a pas vraiment l’air de s’impliquer dans l’éducation de ses enfants. Du moins, elle se contente d’approuver silencieusement toutes les décisions de son mari.

Le père de famille s’occupe et décide de tout. Il élabore pour ses enfants un emploi du temps qu’ils doivent suivre à la lettre, que ce soit pendant l’année scolaire, en congés ou même en vacances chez leur tante. Les gamins n’ont pas non plus leur mot à dire. Ils ont juste à juste suivre les instructions de Papa. Cela ne semble pas leur poser problème, surtout à Kambili. Presqu’emprisonnés entre les hauts murs de leur maison, ils n’ont pas connu d’autres formes d’éducation. Leur père était leur seul modèle.

Qui aime bien châtie bien 

S’il y a une citation qui devrait être gravée sur la tombe de ce père de famille, c’est celle-là.  Le nom qui lui est donné dans l’œuvre est Eugène. Il élève ses enfants dans la foi catholique, une éducation douloureuse et sévère. A chaque fois que ceux-ci commettaient ce qu’il appelait péché, il leur infligeait la plus éprouvante des corrections.

J’ai été écœurée quand il a battu sa fille qui a rompu le jeûne eucharistique alors qu’elle se plaignait de règles douloureuses. Aussi, le père d’Eugène était un pratiquant des religions endogènes. Il était traditionaliste mais son fils le considérait comme un païen. Selon lui, son paternel gagnerait à se convertir au catholicisme afin d’échapper aux feux de l’enfer. Catholique radical, il n’a pas hésité à interdire à son propre père, l’accès à sa maison tant qu’il ne changerait pas de religion. Il se disait qu’il ne pouvait pas recevoir chez lui des gens qui étaient païens, ceux qui n’étaient pas catholiques. Et il ne faisait d’exception pour personne. Même pas pour son géniteur. N’a-t-il pas versé de l’eau brûlante sur les pieds de Jaja et Kambili parce que ces derniers ont osé passer du temps avec leur grand-père païen ?

Le personnage d’Eugène m’intriguait. Parfois, je l’appréciais pour son extrême générosité et son amour pour la vérité. Mais très souvent je le détestais pour sa violence. Celle dont il faisait preuve à l’endroit de sa femme qu’il a battue alors qu’elle était enceinte de 6 semaines. Je haïssais en lui son mépris à l’égard de son père qui allait crever dans la maladie et la misère alors que lui il était riche comme Crésus.

Tatie Ifèoma : l’héroïne de l’hibiscus pourpre

Tatie Ifèoma est mon personnage préféré de ce livre. C’est la sœur d’Eugène. Veuve, c’est une femme indépendante, intrépide et fière. Elle est décrite comme une des rares personnes à pouvoir dire sans crainte les 4 vérités à son frère. Tatie Ifèoma élève seule ses 3 enfants depuis la mort de son mari. A travers leur prise de parole et de position, on peut voir que ces petits ont reçu une bonne éducation. Ils n’étaient pas esclaves d’un père autoritaire et intrusif.

Ils avaient cette liberté que leurs cousins Kambili et Jaja n’avaient encore jamais connu auparavant. La liberté d’expression, le droit d’user de leurs temps comme ils le souhaitent, de jouer, de regarder la télé. Tout ce que Kambili et Jaja n’avaient pas. C’est auprès de Tatie Ifèoma que ces deux-là apprendront qu’ils sont anormaux, que leur éducation beaucoup trop stricte les avait privé de beaucoup de choses. Aussi là qu’ils se rendraient compte qu’ils n’étaient pas assez épanouis malgré l’immense fortune de leur père.

C’est après avoir vécu avec Tatie Ifèoma que Jaja a compris qu’il avait besoin d’intimité. Que son père n’avait pas à lui interdire de fermer sa porte à clé. C’est à partir de là qu’il commencera à se rebeller pour avoir un peu de liberté. Kambili, la narratrice de l’histoire verra aussi en sa cousine Amaka, ce qu’elle aurait pu être si elle avait grandi dans un autre environnement. Si elle n’avait pas été élevée par un père qui ressentait le besoin de la battre jusqu’à ce qu’elle fasse une hémorragie interne.

Ce que j’ai pensé de l’hibiscus poupre

Chimamanda a eu le mérite de soulever dans son récit des thèmes forts tels que les violences conjugales. Ceci à travers les brutalités psychologiques et physiques qu’Eugène faisait subir à sa famille. Aussi dans l’œuvre, est-on amené à réfléchir sur la liberté de la presse. Le cas fictif du journaliste assassiné pour s’être aventuré sur un terrain glissant pourrait être comparé en situation réelle à Jamal Khashoggi. L’auteure de l’hibiscus pourpre y a aussi abordé de nombreux sujets comme l’évangélisation des noirs, la pauvreté, les conditions de vie estudiantines, la suprématie des hommes politiques, etc. Le Nigéria y est par ailleurs très bien décrit.

L’histoire est captivante et bien narrée. J’avais l’impression d’être présente à toutes les scènes, de vivre entre Nsukka et Enugu. La fin est inattendue et déroutante. J’ai lu la dernière page de ce livre les yeux légèrement mouillés. Je ne sais pas si c’était parce que la condition de Jaja m’attristait ou si je n’avais pas envie que ma lecture se termine.

Mon précédent article, ici.

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